30 janvier 2021

C'était avant les vidangeurs...

A la  lecture des savoureux commentaires écrits par nos amis Raoul et Serge, je saisis l'occasion pour enchaîner sur le sujet  des “toilettes".  

Il faut dire que le service de vidange tel qu’on le connait aujourd’hui, n’existait pas à l’époque “d’après la guerre”. Durant celle de 40-45, les habitants souffrirent énormément de la faim. Dans les petits magasins et dans les fermes, tout était rationné !

C’est la raison pour laquelle, dans chaque maison qui disposait d’un petit terrain, on y cultivait toute la surface du jardin afin de récolter un maximum de légumes pour nourrir tant bien que mal toute la famille.

Pommes de terre, poireaux, petits pois, carottes, autant de comestibles faciles à faire pousser en commençant par le bêchage, les semis, le sarclage, la récolte. Le tout... à la force des bras, après les heures de travail en usine, et lorsque le temps le permettait. Les pesticides n’existait pas ! Ni les engrais sélectifs !

Pourtant chaque jardinier voulait être fier de son petit jardinet ou de son grand potager. Il lui fallait bien pourtant trouver le moyen pour engraisser sa terre afin de nourrir les plantes. Après les récoltes et avant l’hiver, il pouvait déposer sur ses terres, le fumier de ses lapins, la pouline de son poulailler, et la colombine s’il était aussi colombophile. Tous ces excréments d’animaux enrichissaient grandement le sol pour les saisons suivantes.

Mais il y avait aussi un autre système pour engraisser ses terres par un travail qui était aussi indispensable. Celui de vider la citerne de son “cabinet”, car, inévitablement, celle-ci se remplissait progressivement lors des visites de tous les membres de la famille.

Cela lui demandait du courage : habillé à l’avenant de cette besogne, la plaque de visite étant ouverte, le père y plongeait son énorme louche fixée à un long manche en bois pour en retirer la mélasse scatologique odoriférante qui déversait dans un seau. Puis, patiemment, il allait déverser le contenu sur le jardin pour aussitôt recommencer l’opération une centaine de fois.

Terminé le vidage de la citerne ? On attendait la pluie en attendant la prochaine saison.
(NDLR : j'aime les détails fournis par la lecture de "la dernière heure" !)

Tant qu'on est dans l'ambiance...

Quelle est donc la bonne expression lorsqu’il faille se rendre... “aux toilettes” ou...”à la toilette” ? Je n’ai pas la réponse et je laisse à chacun la liberté de choisir ses mots pour avertir son entourage qu’il s’absentera quelques instants.

Plus communément, on peut utiliser les deux lettres de l’anglicisme “water-closet” dont je savoure la définition : “pièce contenant un réceptacle permettant à une personne de se livrer à ses besoins de miction ou de défécation”.

Aujourd’hui, ces lieux comportent différents accessoires, du plus simple au plus luxueux : le dérouleur de papier hygiénique, la brosse de cuvette, la réserve de rouleau, le petit lavabo avec son savon, l’essuie-mains et... le nécessaire déodorant privilégiant “au suivant”.


Au début des années 1950, il y avait plus simple pour exprimer le lieu de ces besoins souvent urgents. Un seul mot suffisait : le cabinet !
Il se résumait à une surface d’un peu plus d’ un mètre-carré, avec une grosse planche de bois scellée et posée à l’horizontale à hauteur des genoux. Au milieu de cette planche, un couvercle circulaire en bois recouvrait un grand trou d’une trentaine de centimètres de diamètre sur lequel on pouvait s’y asseoir et y laisser tomber ses “besoins” dans la citerne deux mètres plus bas.

Les soucis de confort hygiénique n’étant pas ceux d’aujourd’hui, le premier geste d’enlever le couvercle libéraient une demi-douzaine de mouches attendant le moment de s’envoler à l’air libre.

Qu’à cela ne tienne, on y passait le temps nécessaire même un peu plus... car, “au cabinet”, il y avait toujours de la lecture. En effet, sur un gros clou planté dans le mur, un tas de feuillets récupérés dans du papier journal permettaient d’achever “la grande commission”.

C’était vraiment une autre époque.... sans chasse !

29 janvier 2021

On reviendra au temps passé !

Restons dans notre si belle époque d’après guerre où tous les vieux souvenirs dégagent une saveur toute particulière, aujourd’hui. Peut-être, parce que nous disposons maintenant de mille et un appareils qui nous facilitent la vie, qui nous permettent de gagner du temps, qui nous demandent moins d’efforts.

Et pourtant... vous, moi, nous n’avons plus le temps de rien !
Jardiner ?... hors de question !
Cuisiner ?... vivent les plats tout prêts surgelés !
Lessiver ?... la machine le fait !
Coudre, rapiécer ?... attends les soldes !
Marcher pour le boulot ?...Pas le temps ! Trop loin !

Bon, c’est vrai, comme il était fastidieux de vivre comme nos grands-parents qui ne chômaient jamais, qui usaient tout jusqu’à la corde, qui économisaient un maximum, qui récupéraient tout ce qui pouvait encore servir ...
Gosse, je me souviens encore de ces rues sans automobiles et monopolisées par des jeux d’ enfants. Les travailleurs s’y déplaçaient à bicyclette.
N’oublions pas le passage des chevaux de trait qui assuraient le transport des lourdes marchandises. Et... chose impensable aujourd’hui, quotidiennement, un troupeau de vaches allaient et venaient de la chapelle rompue jusque de l’autre côté de la douane.

Personne ne s’énervait à la vue de ces bêtes qui circulaient sur la rue, entre les maisons, en y laissant un peu partout et tout naturellement leurs belles bouses.

Aloïs, un brave homme et sans doute excellent jardinier, surveillait toujours les allées et venues de chevaux passant devant sa demeure. Pourquoi ? Sa passion était de récupérer aussitôt les déjections que ces puissants chevaux laissaient tomber de leur croupe. Il connaissait bien la richesse nutritive du crottin pour le jardin !
Avant que les boules fraiches ne s’abiment, Aloïs arrivait avec son seau et sa pelle pour ramasser cet engrais gratuit, tout en rendant la chaussée propre et nette ! 

Jamais, nous nous en sommes moqués. Tout le monde appréciait son geste !



28 janvier 2021

SURPRISE POUR DEMAIN

 Lu et vu dans le journal L'Avenir, sous la plume de notre journaliste Marie-France, un article qui me fait dire que l'histoire est un éternel recommencement.



27 janvier 2021

Je vous présente mon... quincaillier

Notre voisin, Joseph de son prénom, tenait une quincaillerie où le bon bricoleur et l’infatigable jardinier trouvaient “de tout” : du grillage à poule qu’il déroulait sur le trottoir pour le découper “à mesure” à la clenche de porte ou... le vase de nuit.

Quand j’étais encore un gamin, mon papa m’envoya acheter “200 grammes de semences de clou”. J’ignorais ce que c’était mais j’avais bien retenu par coeur la commission que je répétai avec hésitation devant monsieur le quincaillier, un grand gaillard au tablier gris usé.

Derrière son imposant comptoir encombré, il saisit une boîte de carton parmi les dizaines rangées sur des étagères derrière lui. Il se mit à verser ces minuscules petits clous sur un plateau de sa belle balance. Au gramme près pour obtenir l’équilibre avec le poids posé sur l’autre plateau.
- “Voilà les 200 grammes de semences de clou” murmura-t-il en me regardant sévèrement.
Curieux, j’ignorais ce qu’était cette semence : ces minuscules clous d’ 1 cm à tête plate utilisée par les cordonniers pour réparer des semelles de bottines. Mon père était un adepte de la débrouille pour beaucoup de choses. On en a épargné des godasses ! 

Cela dit, Joseph saisit une feuille de papier journal qu’il plia comme un cornet de frites, en replia la pointe, ouvrit le cône dans sa grosse main et y versa ma “semence de clous” par un geste précis . Aucun clou ne pouvait se perdre : ni pour lui, ni pour moi qui devais les payer.

Mais oui ! Il y a 70 ans, on achetait tout en vrac : pas d'emballage plastic ! aucune pollution !  Pas de codes barres non plus ! 



Selon ma petite recherche sur internet, cela s'appelle : "enclume de cordonnier", ou "pied de cordonnier."
Mais chez nous, en patois Chti, on appelait cet outil un "tape-dache".  Car, en plus d'utiliser de la semence dd clou, on avait aussi recours aux "daches", des clous à grosse tête ronde qu'on plantait sur toute la semelle pour éviter qu'elle ne s'use trop vite !    



26 janvier 2021

L’événement de l’année : la ducasse

Dans les années 50, alors que je n’étais qu’un “mioche”, la ducasse du village représentait beaucoup pour moi : les manèges, le cortège, la musique, et... la fête de nuit !

J’ajoute aussi les “grandes communions”. Il n’était pas rare d’ailleurs d’apercevoir, le dimanche après-midi de Pentecôte, des adolescents fort bien habillés portant le traditionnel brassard blanc  s’exciter sur le volant des auto-tamponnantes. Idem pour ces jeunes demoiselles tellement jolies dans leur robe bouffante en tulle, à volants, ressemblantes à des mariées !

Les souvenirs sont innombrables.  Je me ferai ici un plaisir de vous conter le plus “rétro”.  Le programme de la kermesse comportait toujours un “concert apéritif” devant le local de fanfare, ainsi qu’une “fête de nuit” offrant un spectacle divertissant et varié, le tout présenté sur un kiosque typique. 

Heureusement, le dévoué Comité des Fêtes se chargeait quelques jours auparavant d’installer le kiosque au carrefour de la rue de l’église. 
Un kiosque vraiment système D. réalisé à l’aide d’une vingtaine (?) de tonneaux de bière en bois prêtés par un brasseur du coin. Ces comitards roulaient ces lourds fûts de chêne pour les poser selon une ingénieuse “distanciation” (puisque le mot est à la mode).Par dessus, quelques gros bastaings servaient à soutenir le plancher sur lequel viendrait prendre place la société musicale forte d’une quarantaine de musiciens.

Pour la “fête de nuit”, il fallait toujours attendre la parution du programme pour prendre connaissance du spectacle offert. Y a-t-il eu des jongleurs, des illusionnistes ?  Sans doute !   Mais, le plus captivant à mes yeux était... l’exhibition de lutte gréco-romaine  qui, pour moi, était un véritable “match de catch” dont je pouvais déjà distinguer “le bon” et “le mauvais”.  A vrai dire, je ne connaissais rien des règles académiques de cette lutte mais ces “combats” m’impressionnaient beaucoup au point de ne pas pouvoir en dormir par la suite ! 

Lors du montage de ce kiosque, et en attendant l’ouverture de la ducasse par la “voix du micro”, nous les gosses de rues, profitions aussi énormément  de ce bizarre et obscur labyrinthe pour y jouer à cache-cache sous le plancher ! 

Que de souvenirs de gamins !   Avec un clin d'oeil à Serge, car son papa n'a-t-il pas fait partie ou présidé le comité ? 

25 janvier 2021

Du vrai lait de vache

Si à l’heure actuelle, le lait s’achète en briques de carton étanche ou dans une bouteille en plastic qu’il convient de recycler, autrefois, (une petite dizaine d’années après la Libération) le lait se vendait... au pie de la vache. Ainsi pour dire, immédiatement aussitôt la traite terminée... pour ne pas reprendre l’expression “au cul du camion” , c’est-à-dire qu’il faut payer la marchandise livrée au camionneur avant qu’il ne parte. (terme utilisé dans le monde des briqu'teux )

Avec ma soeur aînée, j’aimais aller acheter presque quotidiennement les deux litres de lait nécessaire pour toute la famille. La petite ferme, où Louis et Gabrielle élevaient une demi-douzaine de vaches à lait, se situait à peine à un kilomètre de la maison. Une petite marche qui nous amusait follement, tout en découvrant la pureté intacte du paysage bucolique, au temps de notre prime jeunesse.

A l’étable, les grosses bêtes devaient savoir qu’il était l’heure de la traite. Quelques unes beuglaient Etait-ce de contentement d’avoir donné leur lait ou d’impatience à être tirées aux trayons.
Assise sur un petit tabouret à trois pattes en bois, Marcelle, en collant une joue contre la panse du bovin, trayait énergiquement les mamelles en faisant gicler le lait dans le seau qu’elle maintenait entre les pieds, une précaution nécessaire car la vache pouvait subitement s’agiter des pattes arrière au risque de renverser récipient et perdre le précieux liquide. Quant à la queue de la vache, la fermière, prudente et méfiante, la liait autour de l'arrière-train  pour ne pas l’attraper dans sa figure.

La traite terminée pour une vache, il fallait procéder à la suivante. Tandis que la mère-fermière s’occupait de récupérer le lait encore tiède pour le passer à travers un tamis. Nous n’aimions pas voir ce filtrage car nous pensions à tort que ce geste servait à “récupérer le beurre”.
Puis, sans façon, Gabrielle versa dans notre bidon en aluminium les quatre pintes de lait pour deux litres, plus... la “goutte pour le chat”, comme on disait jadis. Nous n’avions plus qu’à payer quelques francs. Au retour à la maison, on s’amusait faire tourner le pot de lait par dessus la tête en se demandant pourquoi le lait ne tombe pas hors du bidon ???

J’ignorais les lois de la force centrifuge !

 


24 janvier 2021

Ramasser les patates

De l’époque dans laquelle je me replonge avec les inoubliables souvenirs de ma prime jeunesse, il n’y avait ni “cheeps en sachets de 100 grammes” ni “pommes de terre en filets de 5 kg” vendus dans les “grandes surfaces”.

Les patates... car c’est de ces tubercules qu’il s’agit ! Elles n’étaient pas arrachées et ensilées automatiquement par d’énormes machines avec tapis roulants qui assurent la récolte d’un grand champ en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire.

Dans les jardins, autrefois, les courageux bons petits jardiniers enlevaient leurs pommes de terre, à la main, à l’aide d’un outil “quatre dents” pour ensuite les ramasser et les mettre dans une “banse” (= grand panier en osier). Les fermiers, eux, comptaient sur leur cheval et l’assistance de leur ouvrier de ferme, de voisins ou de quelques amis pour ramasser ces précieuses bintjes.

Quand les feuilles sont bien fanées, l’agriculteur arrive son animal costaud qui tracte la vieille “arracheuse” rouillée... mais qui fonctionne toujours grâce à la graisse tartinée sur les rouages. A l’arrière, de grosses griffes rotatives tournent lorsque la machine avance tout en arrachant les tubercules hors de terre pour les projeter à 2 mètres sur le côté.

C’est alors que, par petites équipes, nous intervenions pour ramasser ces belles et fraiches pommes de terre et en remplir des seaux. Pleins, il ne suffisait plus qu’à verser le contenu dans de grands sacs de 50 kilos. Une indélicate envie nous prenait parfois pour acélérer le remplissage en y ajoutant quelques grosses mottes de terre ! Une tricherie contre laquelle le fermier était très attentif et sévère. Mais on la conscience tranquille encore aujourd’hui, jamais nous n’avions joué à ce jeu-là.
Il nous payait à 5 francs belges le sac bien rempli et lorsqu’il était chargé sur son tombereau.

Combien de sacs avons-nous remplis ?... ma mémoire fait défaut. Mais le charme de ces journées en pleine nature m’inciterait à encore y aller... quoique ce boulot n’existe plus.



 

22 janvier 2021

Construisons un camp

Les ‘grandes vacances’ d’été nous offraient du temps libre à ne plus savoir qu’en faire. L’ennui nous guettait.

L’un de nos passe-temps épiques étaient ces rassemblements en tout petits groupes par quartier pour nous imaginer des épopées guerrières qui demandaient de la discrétion et de la protection.

Certes oui, jouer à l’abri du regard des parents doublait notre plaisir. C’est la raison pour laquelle nous nous dirigions souvent au bout de cette rue en cul de sac et où se dressait ce bel édifice religieux entouré d’un terrain vague et d’une prairie où broutaient quelques vaches.

L’église du Bizet, premier ouvrage dessiné par l’ architecte yprois Coomans, construite toute en briques rouges, se trouve embellie par de nombreux contre-forts consolidant les murs des absidioles et du transept.  Seulement, entre ces éléments architecturaux, on découvre de nombreux petits endroits discrets propices aux cachettes.


Quelques mètres plus loin, un tas de vieilles pierres et des pavés oubliés trainaient là au milieu d’orties et d’autre grabat.

Notre imagination fertile ne tarda jamais à nous donner l’idée de construire un rempart afin de nos protéger d’un éventuel ennemi : une bande de garnements venus d’un autre quartier.

Quel génial stratège, le plaisir ne fut pas gâché : avec courage mais aussi avec désordre, nous récupérâmes des pavés et montions un mur, sans ciment, avec tous les risques qu’un lourd bloc de pierre nous écrase les orteils.

Cette occupation était bien sûr interdite par le curé qui avait confié la surveillance du pourtour de l’église à une paroissienne riveraine, propriétaire des quelques bêtes mises en pâture.

Bien dissimulés dans notre petit “château-fort” à peine terminé, que soudain, l’un de nous apercevait Martha, bâton à la main, traversant la prairie, s’approchait à grands pas en nous hélant d’avertissement.

- “V’la Martha !” cria-t-on.... Au lieu de préparer notre défense face à l’assaillante, nous prenions nos jambes à notre cou pour détaler comme des lapins froussards !

Finalement, nous étions tous fin contents ! Espiègles, nous l’étions, oui ! Désobéissants ? Non ! Farceurs ? Oui... c’était un peu notre but : déranger le monde des adultes.

21 janvier 2021

T'as un sou pour la chaise ?

Autrefois, alors que la pratique religieuse imposait la fréquentation “obligatoire” de la messe dominicale, les habitants du village se faisaient un plaisir et un devoir d’enfiler les “habits de dimanche” pour se rendre à la grand-messe programmée pour 10 heures.

Le beau costume bien brossé, le col de chemise amidonné, une cravate du plus bel effet, le pantalon bien repassé telle était la tenue pour les hommes qui ne pouvaient surtout pas oublier la petite monnaie dans le fond de la poche.
Les dames se souciaient surtout de paraître sous leurs plus beaux atours pour celles qui en avaient les moyens : le dernier tailleur enjolivé par les vieux bijoux de famille, le sac à main pour remplacer les poches, et surtout la coiffe couronnant la personnalité. Pour les autres, celles qui ne se prenaient pas pour “madame chapeau”, le fichu couvrant les cheveux et la vieille gabardine suffisaient amplement. Cachés dans une des poches, le porte-monnaie, le livre de messe ou le chapelet étaient les objets indispensables pour être une bonne paroissienne.
Après une bonne dizaine de minutes, lorsque tous les retardataires étaient bien arrivés et avaient pris place dans l’une des nefs, souvent dans le fond de l’église pour faciliter le bavardage, le “chaisier” commençait son tour entre toutes les rangées de chaises.
S’il était corpulent, grisonnant, avec une belle moustache, il s’arrêta devant chacun des fidèles assis, en leur tendant la main dans laquelle les gens y déposèrent une pièce trouée, 25 centimes, en guise de “location pour la chaise qu’ils occupent”.
Il se prénommait Jules, un retraité dévoué qui chaque dimanche, était fidèle à sa mission : ramasser les sous de la chaise. Et personne n’aurait osé ne pas vouloir payer !

Tandis qu’il n’avait pas encore terminé sa tournée, de l’autre côté de la nef, un autre paroissien bénévole commençait la quête à l’aide d'un récipient à poignée, en cuivre, qu’il passait entre les rangs de paroissiens qui “mettaient ce qu’ils voulaient”, tandis que le quêteur murmurait entre les dents un discret et répété “M....ci”. Filous, certains y déposèrent... un bouton, d’autres se limitaient à taper du doigt le fond de la “casserole”. Généreux, de rares paroissiens y déposèrent généreusement un billet qu’ils déployaient ostensiblement à l’arrivée du quêteur.

Au fil des ans, cette coutume paroissiale a petit à petit disparu.



19 janvier 2021

Les gosses de rue

Après l’école et le goûter, les écoliers s’empressaient d’accomplir leur petit devoir à écrire sur le cahier de brouillon. Cette petite besogne scolaire achevée,... il n’y avait pas de télévision à l’époque pour leur capter l’attention et les initier à l'ennui !

Par quartier, les garçons avaient l’habitude d’aller “trainer les rues"qui leur appartenaient. Les automobiles étaient tellement rares qu’ils pouvaient occuper toute la largeur de la chaussée recouverte de cailloux et de “nids de poule”.
Même constat pour les filles avec qui les garçons ne partageaient aucun jeu. Surtout lorsque celles-ci se prenaient pour des mamans avec des poupées trop mignonnes.

Ils jouaient aux cartes, au “pot” pour gagner quelques petites images récupérées des tablettes de chocolat ou biscuits. Ou ils jouaient aux billes pour en gagner ou...en perdre selon leurs capacités à bien  “tiquer”. 

Pendant la Grande Boucle, les jeunes supporters d’Ockers ou Branckaert réorganisaient le "Tour de France” sur le trottoir, selon un itinéraire tracé à la craie. Chacun disposait de son “petit coureur” en métal, comme un soldat de plomb, qui prenait le départ et qui avançait selon des dés. 

Autre occupation palpitante : pour ceux qui pouvaient déjà rouler à vélo, il y avait les "tours à mobylette" produisant d'interminables pétarades dans le quartier. Avec des pinces de bois, on accrochait des cartes à jouer sur les tringles des garde-boue. Les rayons frottant ces cartons rigides avec un agréable potin, on se prenait pour de vrais motards assourdissants sur le parvis de l'église, tout en frôlant les vespasiennes.

Hélas, tous ces merveilleux souvenirs d’enfance s’estompent ! Je voudrais tant  pouvoir sourire de ces scènes ludiques comme que je les ai vécues mais les gosses d’aujourd’hui ne les connaissent pas. Ils n’ont plus le temps...




18 janvier 2021

Allons pêcher l’épinoche

Durant les grandes vacances d’été, tandis que le soleil nous (= mes frères et moi) incitait à profiter de ces journées estivales, nous aimions partir à la pêche, comme papa en était un fervent adepte.

Cependant, notre méthode n’était pas du tout comparable. C’est nous qui l’avions inventée.

- “Et si on allait pêcher à la Rabecque”... cette impressionnante drève de peupliers traversée par un bucolique ruisseau, laissant couler une eau limpide dans laquelle se faufilaient des nuées d’épinoches.

Bricoleurs, nous récupérâmes un vieux sac vide en jute, liâmes des cordes aux quatre coins, dénichâmes un vieux récipient et nous voilà partis tout heureux de passer “un après-midi au bord de l’eau” dans l’espoir de ne pas revenir bredouille.

Près du cimetière anglais jouxtant le ruisseau, on s’installa en laissant s’immerger notre filet de fortune jusqu’au moment où d’importants groupes de ces minuscules poissons y passaient par dessus.

- “Hop.. on lève le sac d’un coup !” et les voilà presque tous capturés en se débattant frénétiquement.
Du bout des doigts, on les récupèra délicatement pour les plonger dans notre bassine, mais, oh surprise, ces innocentes petites bestioles savent se défendre hardiment en sortant leurs trois épines très piquantes dissimulées dans les nageoires.

- “Ooh, les méchantes petites bêtes !”... Ce fut notre première leçon de zoologie !



17 janvier 2021

Il faut faire attention à ce qu'on raconte !

 A Ploegsteert, il existe un centre d'interprétation de  ce qui s'est dit et fait pendant la tourmente de 14-18

Dans ce blog, j'essaie d'interpréter les souvenirs que j'ai gardé depuis ma plus tendre enfance.

Mais, mais... sur FaceBook, un ami et suppôt de Satan... s'est amusé à raconter une anecdote vécue(?) dont  j'ai emparé l'idée pour en faire un petit dessin.

Question : à l'époque... (1950... et plus) l'autodérision était-elle permise ?  C'est le meilleur remède contre l'hypocrisie !

Merci Martin pour ce bon commentaire, même s'il est mensonger. Quoi que, après tout,...





Aller à communion !

Pour enchainer sur la confession, voyons le sacrement de l’ Eucharistie !

Encore un terme qu’on utilisait fréquemment il y a 70 ans !

Cela consistait en quoi ?
C’est simple : aller à communion, c’est-à-dire, sur la fin de l’office de la messe, les fidèles sont invités à s’avancer vers l’autel pour recevoir l’ hostie consacrée : un petit rond de levain comestible à avaler. Loin de moi l’envie de disserter sur le sens et la signification de ce geste liturgique.

Mais autrefois, “aller à communion” se déroulait selon un rituel très strict qu’on n’accepterait plus aujourd’hui pour causes hygiéniques et sanitaires.

Au moment venu, les paroissiens désireux de communier, s’avançaient vers le choeur séparé du transept par un long banc haut d’un petit mètre, recouvert sur le devant d’un tissu blanc. Devant ce banc, se trouvait un long coussin sur lequel on pouvait s’y agenouiller. Les communiants, calmement, y prenaient place. Discrètement, ils glissèrent les mains sous le voile blanc attendaient recueillis que le curé s’approche avec le gros ciboire contenant les hosties.
Alors à chacun son tour, le prêtre, tout en murmurant des prières, donna la communion tandis que le fidèle ouvrait la bouche, sortait la langue sur laquelle le célébrant déposait l’hostie. Si par mégarde, elle tombait, le tissu blanc maintenu par les mains servait à la recevoir.

Mordre l’hostie était interdit, de même que la toucher des doigts. Ces gestes proscrits par l'Eglise étaient considérés comme sacrilège. Fallait-il alors les avouer lors de la confesse suivante ? A chacun de voir.. avec sa conscience.




15 janvier 2021

Aller à confesse !

La vie au village d’autrefois se rythmait essentiellement selon les horaires des nombreux offices religieux. Avec fidélité, les paroissiens assistaient aux messes dominicales matinales célébrées à trois reprises... suivies dans l’après-midi des vêpres et salut !

Mais pour mériter le “salut éternel”, présenté comme le “bonheur paradisiaque” à l'inverse de "l'enfer", il fallait entretenir la pureté de l’âme en se présentant régulièrement au confessionnal pour obtenir le pardon de ses fautes.

- “C’est quoi, un confessionnal ?” me demanderaient mes petits-enfants ?
Ceux de mon église ressemblent à une grande armoire, divisée en trois parties : un “cagibi” central, dans lequel le curé pouvait s’y asseoir, caché derrière des petites portières à rideaux. A gauche et à droite, deux petites loges discrètes dissimulées elles aussi derrière une tenture, et dans lesquelles le fidèle pouvait s’y agenouiller, la tête presque collée contre une grille de bois .

Lors des séances du sacrement de pénitence, les gens attendaient leur tour pour entrer d’un côté ou de l’autre dans le silencieux mais chuchotant confessionnal.
Soudain, deux bruyants glissements se font entendre. C’est le curé qui ferme la grille d’un côté et ouvre l’autre. Dans la pénombre de cette sombre grande “armoire” ornée en chêne, le prêtre apparaît, pensif. Il se tient la tête sans regarder qui se présente de l’autre côté de la grille en bois.
- “Je vous écoute, mon enfant !”
Alors commence le monologue du pénitent qui avoue ses péchés, même ceux qui ne le sont pas, ainsi que ceux qu’il invente lorsqu’il n’a rien à se reprocher et termine son examen de conscience en demandant pardon.
Le curé enchaine en tirant une conclusion, en récitant l’absolution et en infligeant une “pénitence” :
- “Vous me réciterez un pater et trois avé”.

Après quoi, on pouvait sortir de ce genre d’isoloir, tout propre avec sa “grâce sanctifiante”.
Ce passage par la confession était obligatoire avant tous les autres sacrements comme la communion, la confirmation, le mariage, l’extrême onction...parce vivre en état de péché mortel supposait... conduire aux flammes infernales ! Ce rituel ne se conçoit plus, aujourd’hui !




13 janvier 2021

C'était de la correction, non pas du harcèlement !

L’internet, et son formidable outil Google pour découvrir le monde, nous offrent la possibilité d’admirer des clichés d’autrefois  qui nous font revivre la vie d’antan.

Ainsi, toujours avec plaisir, je revois ces vieux bancs d’école en bois, peints en noir, fort griffés sur le pupitre, aux sièges patinés par la centaine de fonds de culotte qui s'y sont posé.

Au milieu du local, pour nous réchauffer l’hiver, trônait le feu “brûle-tout” dans lequel Monsieur Albert introduisait le seau de boulets de charbon qui parvenaient à faire rougir la tôle de la colonne. Au-dessus, sur la taque moulurée en fonte, une vieille cafetière en émail dégageait, non seulement une petite vapeur pour humidifier l’air ambiant, mais aussi un parfum particulier qui agaçait nos petites narines : c’était de l’eucalyptus en décoction pour rendre la classe insensible aux rhumes.
Je me souviens de cette pittoresque anecdote que notre premier instituteur aimait réserver aux cancres les plus rébarbatifs de le 1ère année primaire. 
Plantons le décor : devant le grand tableau noir, sur le carrelage, une estrade haute d’une bonne vingtaine de centimètres, cachait sous ses planches de bois, un débarras poussiéreux de matériel didactique vétuste. Pour y accéder, une trappe camouflée  pouvait se relever. 

Imaginez la scène offerte par notre maître d’école, à bout de nerf devant le refus ou la désobéissance d’un élève récalcitrant à ses injonctions. Il le prend par le collet et l’amène, non pas dans un coin pour le punir les mains sur la tête, mais devant toute la classe intimidée et force le gamin à s’accroupir devant la trappe de l’estrade qu’il soulève et le menace de l’y introduire à plat ventre.

Ce procédé, si je m’en souviens bien, a toujours porté ses fruits, car le garnement réprimandé se calmait aussitôt et regagnait sa place tout penaud.

Evidemment, de telles punitions ne pourraient plus se produire aujourd'hui, mais elles méritent de rester en mémoire.





11 janvier 2021

Il commerçait avec tout, même les peaux de lapin !

Ernest, tel était son prénom. Un peu bourru et bedonnant, ce brave homme de petite taille, avait surtout du courage dans ses grosses mains de bosseur.

Je l’ai bien connu quand j’étais gosse, il tenait un petit bistrot en face de chez moi, dont l’enseigne était “Au Casino”. Jamais grand monde dans son café d’autrefois, sauf lors de la ducasse du village durant laquelle ma famille allait boire un verre, par sympathie.
Notre bon Bizétois Ernest gagnait sa croute de différentes manières.

Son commerce principal était le vente du charbon en sacs qu’il transportait chez ses clients à l’aide de sa charrette à bras et sous laquelle son gros chien de berger allemand était harnaché afin de l’aider à tracter sa cariole.

Second commerce d’Ernest : le vieux fer ! Chez lui où il nous recevait dans son vieil hangar à tôles, il achetait tous les vieux métaux dont on voulait se débarrasser. Des cuivres quelconques aux “lotche”, c’est-à-dire les billes de plomb retrouvées dans les champs (après 14-18), il acceptait tout après l’avoir pesé avec sa balance à ressort qu’il tenait à bout de bras.
- “Ca fait autant...” Au tarif de : “c’est 1 franc du kilo, pour le vieux fer, 5 francs pour le cuivre...”.

Vers les années 50, la débrouillardise était de mode dans les ménages pour nourrir toute la famille. On y élevait beaucoup de lapins afin de s’offrir occasionnellement un bon repas bien mijoté avec des pruneaux et des raisins. Mais que faire des peaux de lapins ? Après les avoir retournées et tendues sur deux bâtons en V pour les faire sécher, on les échangeait pour quelques sous à Ernest qui parcourait, à vélo, les rues du hameau en criant : “Coudgé !” Ni mes frères, ni moi avons compris la signification de cet appel vocal !

Costaud, le cabarétier assurait aussi une importante et indispensable besogne. Souvent, on le voyait sortir de chez lui, portant sa bêche sur l’épaule pour se rendre au cimetière. Qu’allait-il faire ? Creuser la fosse d’un défunt dont l’enterrement était prévu le lendemain. Après la cérémonie d’inhumation terminée, Ernest, s’empressait de remplir le trou et de planter sur le monticule de terre la croix du défunt !

Un dernier mot à propos d’Ernest : bon vivant, il appréciait beaucoup la ducasse du Bizet France dont il revenait chaque fois bien cuité à ne plus tenir debout !



09 janvier 2021

Autour du clapier

Pour quelles raisons élevait-on jadis des lapins dans l’une des dépendances, à l’arrière de la maison ?  

Durant la période 40-45, nos aïeuls ont eu faim, de même que les enfants de la guerre pour qui leurs parents ont toujours veillé d’abord à bien remplir leur assiette. Ils cultivaient un jardin, tenaient une basse-cour, nourrissaient des lapins. 

Lors des bonnes occasions familiales, lorsqu’un animal semblait bien en chair, on n’hésitait par le tuer pour le faire mijoter dans une marmite avec des raisins et des pruneaux. Tout gosse, je m’en pourléchais déjà les babines. 

Avant cela, mon père, sans état d’âme, se chargeait de tuer l’un des beaux lapins que nous faisions grossir durant des semaines. Le rituel était toujours le même : le coup de lapin qui l’assomme, l’accrochage des pattes arrières aux deux vieux clous plantés dans une porte,  le dépeçage en retroussant la peau, la coupure verticale dans l’abdomen et l’extraction des viscères qui tombent dans le gros bac posé au sol.   Je me censure pour ici pour le reste de l’opération... car, comme témoin-gamin, j’assistais avec curiosité et sans haut-le-coeur à cette affreuse et méticuleuse préparation soignée du “lapin prêt à cuire”. 

Si nous faisions bonne chère de ce “gibier domestique”, nous l’aimions bien cet animal aux grandes oreilles. Chacun notre tour, il nous fallait préparer les “boules de lapins” que l’on donnait à ce bien gentils mamifères. La recette était simple : après les cuissons de pelures des patates, mélangées à du pain rassis et de la farine, nous devions, avec nos petites mains,  façonner ces boules grosses comme des balles de tennis. 

Avec mes frères, nous devions aussi assurer une autre besogne : le nettoyage du clapier en le débarrassant du fumier mélangé aux petites crottes pour le remplacer par un lit de belle paille dorée pour nos lapins chéris. 

08 janvier 2021

L’aiguiseur de couteaux

Les gosses ne connaissaient pas le nom exact de cet artisan ambulant qui passait régulièrement dans le village, avec son curieux triporteur doté d’un auvent !

Le rémouleur, aujourd’hui, n’existe plus. La rue tranquille où discutaient ou comméraient les riverains a perdu tout son charme.

C’était un peu la fête lorsqu’il arrivait, fatigué d’avoir poussé son lourd tricycle.
Soudain, en bordure d'un trottoir,  il s’arrêtait et attendait. Sans tarder, des clients se pressaient pour arriver  les premiers auprès de notre rémouleur. 
Ils amenaient leurs petits couteaux à éplucher,  le grand couteau à pain,  ou encore une paire de ciseaux à aiguiser. Sans tarder, notre rémouleur se mettait au travail.  Il s'assit confortablement sur la banquette et se mit à pousser d'un pied une planche qui basculait pour faire tourner la grosse meule.  Doucement,  il se mit à caresser la pierre émeri de la lame dans un geste fort précis. Un fin strident grincement s’en dégageait; des étincelles en jaillirent, tandis que sa carriole s’ébranlait sous l’effet de la pédale motrice. 
D'expérience,  il pouvait affuter toutes les lames contre quelques francs en guise de gagne-pain. 

Nous, curieux gamins de rue, nous assistions émerveillés devant le savoir-faire de cet artisan ambulant qui redonnait vie aux couteaux et aux ciseaux !




06 janvier 2021

Les rues animées de bondieuseries.

Dans le déroulement de la dévote vie catholique d’autrefois, le calendrier prévoyait (ou prévoit encore, je ne sais pas) en juin, la fête du Christ-Roi. C’était l’occasion pour tous les bons pratiquants du village de “se mettre sur son 31” et de participer à la traditionnelle procession du Saint-Sacrement.

Ce grand spectacle s’est gravé dans ma naissante mémoire, ( j’avais cinq, six ans), avec toute la beauté de cette parade cérémonieuse, haute en couleurs, à laquelle participaient beaucoup d’adultes endimanchés, ainsi qu’une part de la jeunesse locale, et quelques bambins ecclésiastiquement bien considérés par le clergé.

Ce long cortège, précédé par les pompiers casqués, marchant lentement sur une musique jouée par la fanfare locale, parcourait les rues principales de mon patelin pour aller, en pèlerinage, jusqu’à une petite chapelle à la réputation de pouvoir consoler les fidèles.

Après les musiciens, suivaient les petits écoliers de l’école gardienne déguisés en saints du calendrier; les patronnés en chemises vertes, les demoiselles de 12 ans habillées de leur robe blanche de communiantes. J’en oublie ?? Peut-être !  

Mais, le clou de la procession arrivait lorsque les hommes de la Ligue du Sacré Coeur avancèrent de part et d’autre de la rue, portant tous un scintillant flambeau allumé, entourant le Saint-Sacrement, montré sous une sorte de baldaquin. Quatre marguilliers de la fabrique d’église portaient le dais sous lequel le curé marchait caché sous son voile huméral tout en exhibant le riche ostensoir doré au centre duquel se trouvait l’hostie consacrée.

Tout ce vénérable petit monde paroissial évoluait majestueusement sur des pétales de fleurs que des joncheuses épandaient sur le sol. Elles étaient entourées de 12 garçons vêtus en enfants de choeur (dont moi) représentant les apôtres.

Sur le parcours, des habitants avaient pavoisé ou décoré leur fenêtre d’une grande statue avec les plus  beaux chandeliers : de vrais petits autels pour y prier lors du passage de la procession. Par contre, d’autres maisons avaient bien intentionnellement les volets fermés en guise d'un témoignage athé.  

Le gosse que j'étais commençait-il déjà à percevoir la différence entre... le Cercle Catholique et la Maison du Peuple ?

05 janvier 2021

Un 1er voyage scolaire

Rappelez-vous ...

Quand l’Ecole Gardienne touchait à sa fin, les bambins que nous étions aspiraient ardemment entrer à la Grande Ecole pour apprendre vraiment à écrire, à lire et à compter ! Finies les séances de coloriages, de découpages et de piquetages pour acquérir rien qu’un peu de dextérité avec les doigts. Terminées aussi les leçons-découverte de la nature en observant un petit poisson rouge s’ennuyant dans son aquarium ou du modelage de plasticine pour former une tortue ou...un lombric.

“Monsieur Albert”, mon premier maître d’école, à qui je dois de savoir écrire et calculer, s’est forgé dans ma mémoire, l’image d’un instituteur qui “possédait des yeux dans sa nuque” pour repérer les bavards lorsqu’il écrivait au tableau ! Ce monsieur “au nez très pointu” (dont on m’avait maintes fois averti) aimait aussi sortir sa clarinette pour jouer les mélodies des cantiques religieux à chanter lors de notre “première communion”.

Les souvenirs sont nombreux ! Le plus prestigieux est encore celui de notre toute première excursion scolaire qui avait pour destination : “le mont de la Hutte”. Un beau matin, toute la classe put grimper dans l’autobus de “Jean Fait-tout” pour nous emmener jusque Ploegsteert. Puis, Monsieur Albert nous emmena, à pied et à travers bois, vers cet anodin Mont de la Hutte pourtant si riche d’une longue histoire. Mais à six ans, il ne faut pas effrayer les bambins avec ces horreurs de la guerre 14-18. 

  
Commença alors la pénible montée de ce sentier forestier  baptisé “les 100 marches” , tout en vérifiant si le compte y était ! Arrivés au sommet du bois, nous découvrions une prairie accidentée, encombrée de vestiges, de pans de murs, de gravats et... surtout une grosse poutrelle inclinée, brillante dont l’âme pouvait avoir 40 cm.

Nous ignorions depuis quand et pourquoi ces vestiges étaient là ! Monsieur Albert n’en pipa pas un mot, sauf celui de nous permettre d’aller nous amuser sur cette poutre de fer qui a permis à tous les enfants de Ploegsteert d' y glisser, assis sur leur derrière. Ce toboggan est bien resté dans la mémoire collective !

03 janvier 2021

Les gendarmes à vélo

Actuellement, les gyrophares bleus éblouissants,  les sirènes hurlantes, les camionnettes policières déboulant à toutes vitesses, les policiers en gilets rouges font tellement partie du décor en agglomérations que l’on y prête à peine attention, rien que pour savoir : “Qu’est-ce qu’il se passe ?”

Depuis le début des années 2000, le pays a restructuré ses services d’ordre et de sécurité. Sa traditionnelle gendarmerie, secondée dans les villages par le garde-champêtre a cédé la place à un énorme Commissariat de Police réparti en zones et en police locale.

Quel est le souvenir laissé par nos gendarmes, dans les années 50 ?

Aux ordres d’un commandant de brigade, une dizaine de gendarmes logeaient à la caserne où il y avait encore... un cachot ! Cette cellule servait principalement à y enfermer pour la nuit, des gens qui avaient besoin de “cuver leur vin” parce que trop bruyants, trop méchants. Souvent doute aussi, on y emprisonnait les voleurs, les bagarreurs, et autres fauteurs de troubles ! C’était une bonne méthode pour les calmer rapidement et les faire réfléchir.

Toujours par deux, les gendarmes sillonnaient les rues pour veiller à la sécurité des gens et au respect du simple code de la route. Ils avaient surtout  les jeunes cyclistes à l'oeil. Rouler à deux de front était formellement interdit. , Le vélo devait bien être en ordre : la sonnette, le catadioptre, l’éclairage avant et arrière...

Toujours à bécane, fiers de leur uniforme noir aux boutons argentés, aux lisérés rouges et coiffés de ce typique képi d’une autre époque, les gendarmes impressionnaient lors de leur passage en rue. Si à leur ceinture de cuir, pendaient leur révolver ainsi qu’une matraque, ils portaient en bandoullière une sacoche de cuir contenant le fameux carnet sur lequel ils aimaient y noter les procès-verbaux. 

On les craignaient vraiment ! Surtout les enfants à qui, pour leur éducation, les parents n’hésitaient pas en les avertissant qu’ils allaient...”le dire aux gendarmes”...  s'ils n'obéissaient pas.

01 janvier 2021

C'était bien avant la bûche glacée...

A l’époque des années 50, se délecter d’une “crème à la glace” en la léchant goulûment n’était pas un luxe, mais vraiment une découverte.

Quoi de mieux l’été, pour la société qui passait l’essentiel de son temps en rue, à bavarder entre adultes, à jouer entre gamins.
Quand soudain, le son d'une corne d'appel venant du Touquet se faisait entendre. Les enfants surtout connaissaient cette note de trompette : impatients, ils s’empressèrent de regarder au loin pour voir s’il arrivait !
Qui ? Le marchand de crème à la glace ! Un véritable dessert pour qui pouvait se le payer.

On le voyait arriver se balançant à gauche à droite en poussant son triporteur tricycle jaune, et en soufflant de tout ses poumons  dans son instrument à vent pour avertir le chaland de son passage.
Aussitôt, les gosses cessèrent de jouer pour aller demander avec insistance :
- “Maman, je peux avoir une crème à la glace ?”
Selon la décision maternelle, l’enfant retournait à son jeu en faisant la moue, ou bien se postait le long du trottoir, impatient, serrant entre ses petits doigts quelques pièces de monnaie pour payer sa crème.

Coiffé d’un bonnet en cuir d’aviateur, Monsieur Vervaecke, un ancien coureur cycliste comme ses deux frères, connaissait bien ses petits clients. Il arrêtait de pédaler, s’immobilisa au milieu de la rue, se pencha pour écouter la petite voix qui lui demanda :
- “Une glace, s’il vous plaît, Monsieur !”
Avec un sourire communicatif, le marchand souleva doucement la cloche qui recouvrit le bac à glace, saisit un cornet bien doré.  D'un geste précis, il gratta dans le récipient glacé avec une cuillère pour en former une grosse boule de “vanille”. Il l’enfonça sur le cornet et le présenta à son jeune client qui glissa ses pièces dans sa main toute fraîche.

- “Au suivant !” cria-t-il ensuite, très fier de sa glace- maison !

Puis il repartait en pédalant sur son triporteur frigorifique jusqu’à la prochaine halte. Cent mètres plus loin, un nouvel petit attroupement l’attendait !
Sa journée s’annonçait bonne !